Cet authentique miroir en bronze doré originaire du Népal est contemporain, toutefois il a été fabriqué artisanalement par une communauté locale d'expatriés tibétains.
Dans la symbolique du bouddhisme tibétain, le miroir (Me Long) bénéficie d'un rôle de majeur, pour sa propriété de réflexion qui est transposée sur deux plans d'interprétation différents. Le premier comme analogie de la vacuité ou de la conscience claire, en effet cet objet lumineux et brillant reflète les visions du monde phénoménal sans identification à celles-ci, sans distinction, sans sensibilité aux images qui se succèdent indifféremment à sa surface.
Ainsi, fonctionne l'Esprit réalisé, dont les voiles obscurcissant ont été ôtés, se reconnaissant lui-même dans sa vacuité primordiale : il accepte tout mais ne retient rien, il repose dans Rigpa là où observateur et sujet ne font plus qu'un.
Le second plan d'interprétation du miroir nous amène à la caractéristique intangible des images, qui révèle un monde matériel vu sans substance. En cela, le miroir illustre le concept de coproduction conditionnée : puisque rien n'existe de façon isolée, rien ne naît vraiment et donc rien ne meurt, tout phénomène est le produit de multiples conditions simultanées. Mais il est prudent d'indiquer que l'image dans le miroir ne veut pas dire que l'objet ou le phénomène n'existe pas, ici l'enseignement invite à cheminer de l'illusion et distractions des sens (le "moi") vers la conscience (le "tout"), à passer de l'autre côté, au-delà de la dualité.
Ce qui est remis en question c'est la séparation, la croyance en une existence intrinsèque. A l'instar du miroir, la vacuité est toujours ouverte, autant tournée vers l'intérieur que vers l'extérieur, non discriminante, prête à refléter la moindre particule de lumière, révélant à la fois la nature réelle des choses et l'infinité des possibles qu'elle contient. Le miroir fait partie des huit substances auspicieuses bouddhiques, telle une offrande de Lumière, en référence à la déesse Prabhavati (= celle qui est l'Esprit de l'Illumination) venue porter à Shakyamuni un disque de métal dans lequel il a la vision karmique de toutes ses vies passées. D'ailleurs il est décrit dans le Bardo Thodol qu'au cours du jugement des morts, le seigneur Yama utilise ce miroir karmique qui montre au défunt tous ses actes avec un détail et une justesse qui ne laissent plus aucune place aux faux semblants ou dissimulations : la réalité apparait, crue, pure, elle sera le terreau des conditions de sa future renaissance.
Dans la rituelle tibétaine, le "Khrus gsol" (= bain de la divinité) a été récupéré d'une tradition de l'Inde ancienne (Pratibimba) Il consiste à projeter de l'eau sur un miroir reflétant l'image d'une statue ou d'une peinture bouddhique. L'eau ainsi collectée est consacrée puisque chargée des propriétés de la divinité manifestées dans son apparence.