Amulette tibétaine "Tsa Tsa" de belle taille, moulée dans une terre argileuse grège puis enduite d'un engobe sombre sur ses deux faces. Le relief fait apparaitre la divinité tutélaire tantrique (Yidam) complexe "Vajramahabhairava" ou "Vajrabhairava" ou "Yamantaka" (Shin jé thar ché = vainqueur de Yama le seigneur de la mort)
Il s'agit d'une émanation courroucée à 9 têtes (dont la principale est une tête de buffle), 34 bras et 16 jambes du Bodhisattva de la connaissance Manjushri. Même si cette divinité est pratiquée par toutes les nouvelles écoles Sarma du bouddhisme tibétain, dans le cadre du tantra racine de Bhairava, par son apparence particulière Vajrabhairava est ici plus conforme aux visions méditatives de Djé Tsongkhapa, le fondateur de la branche Gelugpa. Car Vajrabhairava n'est pas un protecteur de la doctrine, mais bien un Yidam Yamari, c'est à dire un support personnel de méditation ou source d'accomplissement après avoir reçu l'initiation du Maître. Par ailleurs, sa pratique est classifiée dans le yoga tantrique ultime ou insurpassable (Anuttarayoga) faisant intervenir l'union masculin - féminin, afin de faire éclore dans son esprit la grande béatitude au-delà du dualisme, puis consciemment redirigée vers la compréhension de la vacuité. En effet, comme nous pouvons le voir sur ce Tsa Tsa, Vajrabhairava symbolise ce yoga par l'étreinte de son épouse Vajravetālī (pont entre la vie et la mort, dissout la crainte de l'au-delà) Il se tient fermement debout en position de "guerrier" ou de "chasseur", sur un socle Padma-pitha à simple corolle, jambe droite fléchie en avant (Pratyalidha-asana) témoignant de son action dynamique voire destructrice pour vaincre son ennemi Yama (la mort, le corruptible, l'impermanent)
Sous ses pieds droits sont éparpillés huit mammifères dont un homme (= huit accomplissements ou pouvoirs surnaturels découlant de la pratique tantrique, mais bénéfices secondaires samsariques sur lesquelles il convient de ne pas s'arrêter au risque de s'égarer loin de l'objectif suprême de la Libération) Quant à ses pieds gauches, ils écrasent huit volatiles (= huit capacités phénoménales du corps, de la parole et de l'esprit) Pour compléter le message, chaque pied foule aussi un déva (Rudra, Brahma, Vishnu, Indra, Kumara à six faces, Vanayaka, Surya et Candra), ce qui place l'Eveil dans la conception bouddhiste bien au-dessus de la condition toujours transitoire des puissants dieux védiques. Les "Tsa Tsa" sont fabriqués en état de méditation, en récitant des Mantras et en grand nombre, avec l'objectif de garnir les Stupas ou les statues ou les Tsa Khang (maisons accueillant les Tsa Tsa de Lamas conçus durant leurs pratiques Ngondrö)
Symboliquement, les Tsa Tsa témoignent de la transformation de l'Esprit : ils sont une matérialisation d'une détermination à atteindre l'Eveil. Chaque Tsa Tsa est un acte de dévotion qui prend corps, un jalon sur le chemin, un pouvoir à transmettre. En fabriquer permet d'accumuler de grandes quantités de mérites (pour soi, sa famille et l'entourage) et de lever les obstacles au Dharma.
A l'effigie d'une divinité, le Tsa Tsa est ramené par le pèlerin (quelquefois conçu par lui-même sur place avec la terre locale et des ingrédients du site sacré) et collectionné sur son autel comme tablette votive (ou porté dans un Ghau)