Exceptionnel ancien socle monastique d'origine tibétaine, en bois dense avec des décorations d'or sur une laque brune et fond rouge "sang de bœuf". Vendu comme étant un autel, il s'agit de façon presque certaine d'un piédestal pour une grande statue. Le dosseret à l'arrière est visiblement incomplet, car il porte des marques de mortaise, sans doute afin de recevoir un élément décoratif de type mandorle faisant rayonner la statue.
L'avant montre deux magnifiques lions des neiges dos à dos de part et d'autre d'un Dorjé central enrubanné. Ceci donne une autre dimension symbolique à cet objet, puisqu'il devient un Siṃhāsana (= un trône soutenu par des lions ou "posture de lion")
La fonction du siège du lion doit alors être considérée dans son sens ésotérique, c'est à dire comme le trône de l'homme-lion (Puruṣasiṃha) En effet, le Bouddha Śākyamuni est fréquemment représenté siégeant sur un Siṃhāsana. Pas seulement dans une lecture au premier degré parce que les lions sont soumis au Dharma et protecteurs de celui-ci, mais aussi car le Bouddha possède lui-même des traits physiques léonins parmi ses 32 caractéristiques majeures :
- haut du torse large comme un lion (= force maîtrisée, humilité, respect des autres et de toutes les religions, équanimité)
- joues rondes comme un lion (= la parole juste, les propos mesurés, l'absence de bavardage superflu)
Par ailleurs, il est dit que ses sermons sont pénétrants tel le rugissement du lion (Siṃhanāda), emplis de noblesse, catégoriques et profonds. Enfin, le Bouddha Śākyamuni est qualifié de Sakyasimha (= le lion des Sakya), régnant en majesté tel le roi des animaux.
Le Siṃhāsana a une symbolique si riche qu'il a même précédé les premières effigies du Bouddha. Parce qu'avant l'expansion du Mahayana et de l'avènement du postulat du Trikaya (les 3 corps du Bouddha, dont le Nirmanakaya visible par les communs des mortels, en corps physique terrestre), son état inconditionné l'affranchissant du Samsara le rendait irreprésentable. Alors, seules des œuvres aniconiques étaient produites dans l'art bouddhique primitif, dont le Siṃhāsana vide : l'illumination de l'Eveil donne accès au statut de monarque spirituel universel. A noter que le Dhyani Bouddha central Vairocana (= le radieux) partage aussi le siège du lion, en tant que détenteur de la l'ultime Vérité (le Dharma)
Outre les lions et une profusion de ramages végétaux, de festons floraux, de nuages et de pétales de lotus, le Dorjé signifiant « diamant ou foudre» est là pour souligner l’aspect indestructible et indivisible de l’Esprit éveillé en une puissante alliance de stabilité et d'unité. Sur le dosseret, de discrets signes auspicieux ont été peints à main levée. On peut ainsi reconnaitre la conque, la bannière de victoire ou les deux poissons, ce qui rend cet objet d'avantage unique, touchant témoignage d'une dévotion authentique.
La partie inférieure de ce piédestal est conçue en 3 paliers, par-dessus la plateforme de base, avant d'arriver à la frise avec les lions et le Dorjé, à la manière d'un Stupa qui figurent les 3 Joyaux (refuges auxquels on tient, fondations de sa progression vers l'Eveil)