Importante statue tibétaine en bronze doré représentant Djé Tsongkhapa (Losang Drakpa), assis en Padmāsana (stabilité intérieure et unité) sur un piédestal Padmapitha à double corolles. Ses mains font le Mudra Dharmachakra, ce qui caractérise son exceptionnelle capacité à faire tourner la roue du Dharma, c'est à dire à enseigner la Claire Lumière en unifiant Prajna (sagesse) et Upaya (méthode) rayonnant du cœur de la bouddhéité.
Ce qui est intéressant dans ce Mudra, c'est qu'il combine le geste de transmission de la doctrine (Chin) de la main droite, tournée vers le pratiquant, avec le geste de la sagesse transcendante (Jnana) de la main gauche, orientée vers la poitrine (Chakra Anahata = amour inconditionnel, relation avec le divin en soi) : ainsi, par la communication du Dharma, le fidèle est invité à reconnaitre et à réaliser intérieurement sa propre bouddhéité.
En effet, Djé Tsongkhapa (1357-1419) est plus qu'un grand Maître, c'est un philosophe et yogi accompli, mais également :
- initiateur de l'ordre des "vertueux" (Gelugpa) qui pratique la voie progressive vers l'Eveil ou Lam Rim
- réformateur prônant un retour à une rigoureuse observation du Dulwa (Vinaya) que sont les règles éthiques et monastiques du noble Sangha, au-delà des différents courants sectaires
- bâtisseur du monastère de Ganden, connu pour être le siège du Ganden Tripa qui est le chef spirituel de l'ordre Gelugpa, pour abriter des Thangkas géants et de précieuses reliques dévoilés aux dévots le 15e jour du 6e mois lunaire lors d'une grande célébration annuelle
- enseignant du 1er Panchen Lama (Khedrup Je) et du 1er Dalaï Lama (Gendun Drub)
- émanation du Bodhisattva Manjushri, qui le guidait dans ses prises de décisions et l'inspirait constamment de sa Sagesse
- influenceur d'une grande partie de l'Asie, où la réputation de ses connaissances du Madhyamaka, de l'utilisation judicieuse de la logique issue de la philosophie indienne rendue intelligible, font écho jusqu'à la cour impériale Ming à Pékin qui tenta de le faire venir sans succès.
Comme on peut le constater sur cette statue, ses attributs sont les mêmes que le Bodhisattva Manjushri blanc (Jampal Karpo) à savoir l'épée flamboyante (Khadga) à sa droite sur un lotus et le livre de la sagesse transcendante (Pustaka) sur un autre lotus à sa gauche, toujours à hauteur d'épaule.
L'épée coupe aussi bien les liens de l'attachement au Samsara que les opaques voiles de l'ignorance, elle ouvre l'accès à la Vérité indifférenciée relative et absolue à l'image des deux tranchants d'une lame, elle illumine l'Esprit égaré dans les sombres illusions. Le livre initie à la Prajnaparamita (interdépendance, coproduction conditionnée et vacuité des phénomènes)
Djé Tsongkhapa est coiffé du chapeau de Pandit appelé "Pan Zhva", dans sa variante de la lignée Gelugpa "Pan Ring" : couleur jaune safran "Ngur Smrig" (d'où le nom de leurs disciples "Zhva Ser Pa" ce qui signifie "les bonnets jaunes") et oreilles plus longues (sommet de la hiérarchie, érudit dans les dix sciences) Volontairement imposant et pointu, il domine l'existence ordinaire, impressionne et terrasse les démons, soutien une prise de hauteur dans le discernement, fait converger toute l'attention des pratiquants tantriques par sa splendeur et agit comme un refuge pour leur Esprit durant les cérémonies. Le visage du grand Maître est réhaussé de peinture, qui ajoute une admirable présence humaine à la statue, qui l'anime avec force et finesse.
Le regard subjugue par son apaisement : il se pose dans notre direction sans rien saisir, ouvert à la clarté de l'expérience intérieure et extérieure, concentré sans être tendu, comme éternellement suspendu dans la vacuité réalisée. Djé Tsongkhapa est vêtu du Toen-ka, dont le col a été surligné d'un liseré rouge, car dans la tradition Gelug cet habit jaune à col rouge caractérise les Guéshé et Rinpotché.
Par-dessus, une robe Zhen au beau drapé enveloppe le corps, à l'exception du bras droit, en signe de victoire par l'action (le bras réalise ce que l'esprit a conçu en dessins : mis à nu, il est prêt à agir pour le bien de tous les êtres sensibles, en totale lucidité, harmonie, paix et justesse puisque libre des attachements au monde phénoménal)